Batteries: pour garder les métaux en Europe, de nouveaux projets de recyclage émergent en France

De nouvelles usines de recyclage des batteries automobiles voient le jour en France, dont celle de la startup Battri inaugurée vendredi, avec pour objectif de garder en Europe les métaux stratégiques comme le lithium ou le nickel.

Après l'abandon des grands projets de recyclage de Suez, d'Eramet ou de Stellantis, Battri a inauguré vendredi dans le Pas-de-Calais sa première usine de traitement de batteries de voitures.

Elle produira à Saint-Laurent-Blangy de la "black mass", une poudre noire de minéraux et métaux mélangés, premier maillon vers une circularité totale des batteries.

Outre le nickel, le cobalt, le lithium, le manganèse et le graphite contenus dans les batteries, l'usine, qui devient ainsi une sorte de mine urbaine du XXIe siècle, recueillera aussi du cuivre, de l'aluminium, et des polymères.

Le projet de la startup, qui a levé 20 millions d'euros, remplace de facto deux autres projets industriels annoncés dans le nord également, puis suspendus sans tambour ni trompette fin 2024 par Suez-Eramet d'un côté, et Stellantis associé à Orano de l'autre.

D'autres projets sont dans les starting-blocks comme celui de la startup lyonnaise Mecaware qui prévoit de s'installer à Béthune pour recycler d'ici 2029 des batteries sur le site de l'ex-usine Bridgestone fermée en 2021.

Ou celui du groupe français de traitement des déchets et de recyclage Derichebourg qui a annoncé en mai un partenariat avec le fabricant de batteries coréen LG pour construire une usine de black-mass à Bruyères-sur-Oise (Val-d'Oise).

Rééquilibrer la souveraineté

Ces projets sont permis notamment par le nouveau règlement européen sur les métaux critiques (CRMA) entré en vigueur le 23 mai: le recyclage des matières premières critiques contenues dans les batteries des véhicules électriques est désormais facilité.

D'ici à 2030, le CRMA préconise que 25% des métaux critiques soient issus de matières recyclées en Europe, que 40% des métaux critiques importés soient raffinés sur le continent et que 10% soient extraits de mines européennes.

Objectif avoué: tenter de rééquilibrer la souveraineté de l'Europe dans un domaine dominé par la Chine.

Autre élément encourageant: à partir du 18 août une nouvelle filière REP (Responsabilité élargie du producteur, qui signifie l'adoption d'un principe de pollueur-payeur pour le traitement des batteries en fin de vie) sera mise en place pour les batteries automobiles, qui jusqu'à présent n'en avaient pas.

Il y a urgence. La valeur des métaux contenus dans un véhicule électrique moyen a augmenté d'environ 35% entre 2022 et 2023, passant d'environ 130 dollars à 175 dollars par véhicule, principalement en raison de la forte hausse des prix de certaines terres rares comme le dysprosium et le terbium, souligne Bruno Jacquemin, délégué général chez Alliance des Minerais, Minéraux et Métaux, sur le réseau social Linkedln.

Pas de clients

Reste qu'il manque des cases en Europe pour atteindre la circularité, c'est-à-dire pour pouvoir produire des batteries neuves à partir de matériaux recyclés.

En particulier, l'Europe manque de producteurs de précurseurs de cathode, les matériaux actifs utilisés pour les batteries, produits à partir de sulfate de nickel, de cobalt ou de manganèse issus de la black mass.

Lors de la suspension de son projet d'usine hydrométallurgique de recylage de batteries pour véhicules électriques près de Dunkerque en octobre dernier, associé à Suez, le groupe Eramet avait cité le manque de marché en Europe comme principale raison de sa décision.

Raison pour laquelle dans un premier temps Battri, startup plus agile et aux coûts fixes plus bas que ceux des industriels bien établis, vendra sa black mass aux Etats-Unis ou en Corée, en attendant que des usines fabricant les cathodes et les anodes des batteries voient le jour en Europe.

"Aujourd'hui, nous envoyons l'ensemble de la black mass à travers le monde, elle est retraitée, et souvent la matière première nous est renvoyée pour une nouvelle utilisation", a dit le commissaire chargé de l'industrie, Stéphane Séjourné, lors d'une visite de l'usine Renault à Douai en mars.

"Il y a une filière à construire" a-t-il ajouté, en estimant que l'introduction de clauses dans les marchés publics incluant une dimension de recyclage dans les batteries produites en Europe pourrait soutenir cette filière.

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