Avenir de la filière auto : "rebond possible si des choix forts sont faits"

La filière automobile française a présenté mardi sa feuille de route pour 2030, avec l'ambition de sortir gagnante de la révolution électrique, tandis que les usines restent en partie paralysées par une pénurie de pièces. Relocalisations, solidarité avec les fournisseurs, et protection de l'emploi: Bruno Le Maire a donné ses "orientations" à l'industrie automobile en échange d'un fort soutien public.

Les industriels du secteur, confronté à la révolution électrique, blessé par la crise sanitaire, et paralysé par les pénuries de pièces, étaient réunis mardi à Paris sous l'égide de leur association, la Plateforme automobile (PFA). Un millier de professionnels, entre constructeurs, équipementiers et start-up, participaient à cette journée à la Cité des sciences, dans le nord de Paris. Le ministre de l'Economie Bruno Le Maire y était attendu en fin d'après-midi.

 

"Un problème de compétitivité"

"Comment la France, qui a inventé l'automobile, pourrait se faire une place dans le futur de l'automobile?" a lancé Luc Chatel, le président de la Plateforme automobile (PFA), à l'ouverture de cette journée qu'il organise. "Le rebond est possible si des choix forts sont faits aujourd'hui".

Le patron de Renault, Luca de Meo, a dressé le portrait d'un secteur où l'Europe est dépassée par la Chine dans l'électrique, et par les Etats-Unis dans la "digitalisation" de l'industrie. Il faut que l'UE prenne "le leadership sur un modèle économique vert", a-t-il souligné.

Si la France souffre par ailleurs d'un "problème de compétitivité", selon M. De Meo, l'industrie peut se battre "sur l'innovation et les compétences", sur "la valeur ajoutée qu'il faut aller capturer au-delà de la production des véhicules électriques, an amont avec les composants et en aval avec le business de la donnée et des services de mobilité", et enfin sur l'adoption de l'électrique par les Français, avec le développement d'un réseau suffisant de bornes de recharges.

"le temps est compté pour faire de la France un +hub du véhicule électrique+", qui concentre l'assemblage des batteries, le raffinage de leurs matériaux, la construction des véhicules et les services de mobilité qui les accompagnent, a-t-il prévenu, alors que sa première usine de batteries doit ouvrir bientôt dans le Nord.

"Je ne vois qu'une seule stratégie, foncer, a souligné le ministre de l'Economie en clôture de cette journée à la Cité des sciences. Mais avec des orientations qui soient claires pour que chacun puisse s'y retrouver".

"Relocalisez les chaînes de valeur de vos produits en France", a lancé M. Le Maire aux industriels. "Là où il y a une forte valeur ajoutée, il doit y avoir des emplois maintenus en France".

Appelant à la réélection d'Emmanuel Macron, le ministre a promis que le gouvernement continuerait "dans la voie des baisses d'impôts, de la simplification, et du soutien aux investissements".

Emmanuel Macron a lancé un objectif de "près de deux millions de véhicules électriques et hybrides" produits en France à horizon 2030.

Après trente ans de délocalisations, les usines de Renault, Toyota et Stellantis (Peugeot-Citroën-Fiat-Chrysler) ont produit 2,2 millions de véhicules en 2019, toutes motorisations comprises.

 

Constructeurs contre équipementiers

Le secteur doit aussi faire preuve d'une plus grande solidarité, a demandé M. Le Maire.

"La compétition dans l'industrie automobile est aussi féroce que dans un Grand Prix de Formule 1", a lancé le ministre. "Il faut plus d'écoute, de respect des délais de paiement".

Depuis le début de l'année, l'industrie est touchée par une pénurie de pièces électroniques, par des problèmes de logistique, mais aussi par la hausse du coût des matières premières.

"Un constructeur nous a prévenus hier qu'une usine d'assemblage, que nous livrons, allait s'arrêter aujourd'hui jusqu'à la fin de l'année", a témoigné François Liotard, du groupe Lisi, qui fabrique des vis et autres systèmes de fixation. "Les trésoreries sont en grande souffrance".

"On souffre nous aussi, en tant que constructeur, d'une absence totale de visibilité d'une semaine à l'autre", s'est défendu Nicolas Morel, chef de l'ingénierie chez Stellantis.

 

"Violence sociale"

Bruno Le Maire a appelé par ailleurs à la "responsabilité collective" quant à la transformation des usines. "Nous ne réussirons pas les transitions si elles sont brutales, et se traduisent par de la violence sociale", a souligné M. Le Maire.

La fabrication des véhicules électriques nécessitant moins de main-d'oeuvre que les thermiques, la transition énergétique pourrait faire perdre 65.000 emplois à la filière, selon la PFA. Mais "si le scénario du déclin l'emportait, on serait à 100.000 emplois de moins", a souligné son président, Luc Chatel.

Zones franches, efforts sur la compétitivité de l'industrie française, maintien des bonus à l'achat: les industriels ont ébauché plusieurs pistes pour maintenir la France parmi les grandes nations automobiles.

Alors que la Commission européenne compte interdire la vente de véhicules thermiques en 2035, les industriels français insistent sur le déploiement des bornes de recharges pour véhicules électriques, essentielles pour rassurer les automobilistes.

Nombre d'entre eux demandent aussi que le gouvernement continue à défendre les hybrides, des véhicules "de transition" produits massivement en France.

"L'industrie est bloquée dans les hybrides", a regretté Marie Chéron de la fondation Nicolas Hulot, seule ONG invitée à cette journée.

Après la mise en oeuvre, en mai 2020, d'un plan de relance automobile doté de huit milliards d'euros, la filière estime à 17 milliards d'euros les investissements à localiser en France dans les cinq ans. La PFA évalue le besoin de soutien public à 30%.

L'Etat a accordé début octobre deux milliards d'euros supplémentaires, dont le président de la République "précisera" la ventilation, a indiqué M. Le Maire.

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