Avec Mitsubishi, l'Alliance pèsera 9,5 millions de véhicules

Le groupe automobile japonais Nissan a tendu la main jeudi à Mitsubishi Motors Corporation (MMC) en prenant une part de 34% dans son compatriote en proie à un scandale de fraude, une opération qui vient renforcer l'alliance déjà formée avec le français Renault.

Voir aussi le communiqué de Presse Nissan (en anglais seulement) après cette dépêche

En se rapprochant de MMC, l'alliance, qui compte aussi le russe Avtovaz, verra ses ventes annuelles dépasser les 9,5 millions, non loin du trio de tête mondial composé du japonais Toyota, de l'allemand Volkswagen et de l'américain General Motors (GM).

Selon des documents financiers, Mitsubishi Motors va émettre des actions à l'intention de Nissan pour un montant total de 237,36 milliards de yens (1,9 milliard d'euros).

L'action MMC a bondi de 16,16% jeudi à la confirmation des pourparlers.

D'ici octobre, Nissan va devenir le plus important actionnaire de MMC, devant le groupe Mitsubishi Heavy Industries (MHI), qui détient 20% des actions.

Les deux partenaires resteront cependant bien "séparés", a insisté le PDG de Nissan Carlos Ghosn lors d'une conférence de presse. "Il n'y a pas de confusion: Nissan est Nissan, Mitsubishi est Mitsubishi, une compagnie indépendante avec sa propre stratégie et sa propre direction".

Les relations actionnariales entre Renault et Nissan ne seront donc pas affectées par l'opération. Le français détient 43% de Nissan, et le japonais contrôle 15% de la marque au losange, dans le cadre d'une alliance nouée en 1999.

 

'Couronnement'

M. Ghosn a salué une transaction "potentiellement gagnante-gagnante pour les deux compagnies". "Nous envisagions de renforcer notre collaboration depuis un certain temps, et sur ce la crise est survenue, accélérant les choses", a expliqué le PDG.

"Nous aiderons Mitsubishi Motors à relever les défis auxquels elle est confrontée et à restaurer la confiance des consommateurs", a-t-il souligné. "Mais l'opération annoncée aujourd'hui porte aussi sur la future croissance de Mitsubishi dans le cadre de notre famille, construite autour du pilier de notre alliance de 17 ans avec Renault".

"J'ai l'impression que M. Ghosn cherche là le couronnement de sa carrière", a commenté pour l'AFP Seiji Sugiura, analyste au centre de recherche Tokai à Tokyo. Il a "saisi l'occasion" et profité du scandale pour s'offrir MMC à bas prix.

Les deux groupes étaient déjà partenaires: Nissan fournit des berlines à MMC, qui fabrique de son côté des mini-véhicules pour Nissan. C'est d'ailleurs ce dernier qui a découvert des irrégularités concernant la mesure de consommation de carburant de ces voitures de petit gabarit, populaires au Japon.

Mitsubishi Motors avait d'abord, le 20 avril, fait part de manipulations de données sur quatre modèles pour embellir leurs performances énergétiques. Il a ensuite reconnu avoir utilisé des tests non homologués au Japon depuis 25 ans, les "suspicions" portant sur plusieurs modèles.

 

Complémentarités

Depuis ces révélations, les commandes de Mitsubishi Motors ont plongé dans l'archipel, de même que l'action - qui s'est effondrée de plus de 40% -, suscitant des inquiétudes sur l'avenir du groupe, un des plus petits constructeurs japonais avec seulement un million de véhicules vendus par an.

Mercredi, ses dirigeants avaient assuré pouvoir gérer la crise sans avoir à recourir à l'aide des sociétés de la galaxie Mitsubishi, qui étaient venues à sa rescousse lors d'un précédent scandale dans les années 2000.

La transaction "va apporter, je pense, d'énormes avantages à Mitsubishi, mais Nissan aussi va en profiter", a relevé Carlos Ghosn, citant les performances de son compatriote en Asie du Sud-Est" où Nissan connaît au contraire des difficultés, tandis qu'il est bien implanté aux Etats-Unis où MMC nourrit des ambitions.

Le projet fait sens, confirment les analystes, Nissan et MMC disposant en outre de complémentarités technologiques (électrique et hybride). MMC peut par ailleurs faire valoir ses deux produits vedettes: les 4x4 et les mini-voitures.

L'opération s'inscrit dans le cadre d'une recomposition de l'industrie automobile japonaise, riche de huit constructeurs et même d'une dizaine en comptant les fabricants de poids lourds: Toyota a ainsi récemment décidé d'acquérir la totalité de sa filiale Daihatsu.

"L'environnement a changé, il est difficile de survivre seul", a expliqué le président du conseil d'administration de MMC, Osamu Masuko.

De manière plus large, ce rapprochement pourrait entraîner d'autres changements dans un secteur où les partenariats sont nombreux. Mitsubishi Motors opère une usine en Russie avec le Groupe PSA, principal concurrent de Renault.

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