Automechanika Birmingham : oublier le Brexit

Face aux incertitudes inédites liées au Brexit, les PME de l'automobile au Royaume-Uni s'en remettent au traditionnel flegme britannique pour affronter ce saut dans l'inconnu sur lequel elles n'ont aucune prise.

"Personne ne sait ce qui va se passer." Au salon Mechanika de Birmingham (centre de l'Angleterre), le grand raout du secteur qui s'est installé pour quelques jours dans la région historique de l'industrie automobile, la question du Brexit n'est pas un sujet d'inquiétude immédiat pour de nombreux exposants.

Face aux prévisions économiques pourtant catastrophiques pour un secteur qui exporte plus de 50% de sa production, la plupart des PME préfèrent garder leur sang froid.

"Il n'y a pour l'instant pas de données empiriques" sur les conséquences du Brexit, souligne ainsi Richard Wilson, directeur de Chasestead, une entreprise spécialisée dans la production de feuilles de métal basée à Letchworth, près de Londres, qui emploie 75 personnes et exporte 10% de sa production.

Un cadre d'une entreprise de revêtement, qui travaille notamment pour Ferrari et Lamborghini et a demandé à ne pas être cité, a, de son côté, estimé qu'"avec son expertise, il va être compliqué (pour ses clients) d'aller voir ailleurs".

 

Chute des investissements

Cette confiance affichée dans les travées du salon, entre des pièces détachées et des bouteilles d'huile de moteur, contraste avec le discours de la SMMT, la fédération professionnelle du secteur, qui ne cesse d'alerter sur les conséquences négatives du Brexit.

Interrogé par l'AFP sur ce point, Mike Hawes, directeur général de la SMMT, juge que "les affaires ne demandent qu'à continuer" et que les personnes présentes à Birmingham "sont à la recherche d'opportunités".

Cependant, il appelle à ne pas sous-estimer les risques du Brexit, susceptibles d'"affaiblir" la compétitivité de l'industrie du pays. Surtout, il écarte catégoriquement la perspective d'une sortie sans accord, qui "serait catastrophique" pour le secteur du fait de l'érection soudaine de barrières tarifaires entre le Royaume-Uni et l'UE.

On constate déjà toutefois une chute des investissements dans le secteur automobile, passés de 1,67 milliard de livres en 2016 à 588,6 millions en 2018, selon la SMMT.

Une tendance, là encore, difficilement observable au plus près du terrain. "Quand j'ai besoin d'une nouvelle machine, j'achète une nouvelle machine", résume sobrement M. Wilson.

Basée dans le Leicestershire au coeur des Midlands, l'entreprise de services aux constructeurs East Midland Coatings s'est même vantée sur son site internet de continuer à investir "malgré l'incertitude du Brexit", se disant "déterminée" à poursuivre sa croissance "quelle que soit la conclusion" du processus.

Pour son directeur, Steve Moore, pourtant personnellement favorable au maintien dans l'Union européenne, il n'est pas absolument certain qu'une sortie sans accord serait catastrophique.

"Au moins, nous pourrons y voir plus clair", souligne-t-il, même s'il admet être incapable de juger des conséquences pour son entreprise ou pour le pays.

 

Un élément parmi d'autres

Certaines entreprises sont néanmoins bien plus inquiètes. C'est le cas du fabricant de caoutchoucs Harboro Rubber, basé, lui aussi, dans le Leicestershire, qui emploie 110 personnes pour un chiffre d'affaires de 10 millions de livres.

Alors qu'elle exporte environ 30% de sa production, en majorité vers l'Europe, Harboro Rubber songe à ouvrir un entrepôt sur le continent.

"Nous ne voulons pas nous retrouver dans une situation où des taxes et des inspections aux frontières affectent" nos clients, a expliqué Tom Windle, directeur des ventes.

Selon lui, le Brexit n'est cependant qu'un élément parmi tant d'autres au sein de cette "très grande période d'incertitude".

"La principale préoccupation est la baisse de la demande mondiale de véhicules", notamment dans un contexte de guerre commerciale, a-t-il précisé.

Ce repli de la demande touche petits et gros producteurs. Jeudi, le constructeur américain Ford a annoncé la fermeture prochaine de son usine de fabrication de moteurs située à Bridgend au Pays Galles, à cause d'une baisse d'activité sur le site, ce qui va entraîner la suppression de 1.700 emplois.

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