Autolib: Bolloré réclame 240 milllions d'euros aux municipalités

Après le fiasco Vélib', celui d'Autolib' ? Le groupe Bolloré a demandé aux collectivités, dont Paris, d'éponger la lourde dette du dispositif de voitures électriques en partage, autrefois une première mondiale, aujourd'hui soumise à forte concurrence.

"Nous contestons radicalement et fermement l'ampleur des chiffres" avancés par le groupe Bolloré, a indiqué jeudi devant la presse Bruno Julliard, premier adjoint de la maire PS de Paris, Anne Hidalgo, après des révélations du journal Le Monde.

Selon le quotidien, dont des chiffres ont été confirmés par la mairie de Paris, le groupe Bolloré a estimé à 293,6 millions d'euros la dette d'exploitation du service lancé en fanfare en 2011 sous Bertrand Delanoë (PS), jusqu'à la fin du contrat en 2023.

Contraint par contrat à donner de sa poche 60 millions d'euros, il vient de demander aux collectivités de lui verser 46 millions d'euros par an pour régler le reste.

Contacté par l'AFP, Bolloré n'a ni confirmé ni infirmé cette demande mais "réaffirmé son souhait de voir les discussions se poursuivre et aboutir" avec le syndicat Autolib' Vélib' Metropole (SAVM), qui gère le dispositif pour les 103 villes partenaires.

Dans un communiqué, ce syndicat d'élus a rappelé l'histoire de cette "première mondiale" qui devait au départ fonctionner sans aucun fonds publics et même dégager un bénéfice "d'au moins 56 millions d'euros par an".

Mais, dès les premières années, les chiffres ne suivent pas. Bolloré assure qu'il va redresser lui-même son service.

A la rentrée 2016, "l'entreprise a changé de ligne" et annonce un déficit estimé de 179,3 millions "qui serait à la charge des collectivités".

 

Des "trous dans la caisse"

Depuis, il y a eu un audit conduit de fin 2016 au printemps 2017 qui, "au regard des désaccords persistants", a été suivi par une procédure de conciliation.

L'arbitre indépendant, qui a rendu son rapport en mars 2018, a ramené le déficit prévisionnel à 179 millions et proposé sa prise en charge à 50-50 par le groupe et les communes, selon la Ville de Paris, qui estime que cette solution "méritait d'être étudiée".

Sans discussion, le 25 mai, Bolloré "a mis fin à toute procédure de conciliation" et réclamé le financement de la dette "dont le montant repose sur sa seule évaluation" pour poursuivre le service, selon le Syndicat.

Le dispositif, très novateur pour l'époque, fait face désormais à une révolution des façons de se déplacer, avec le vélo électrique, le VTC, la location de véhicules privés. Sans compter son image dégradée, aux voitures grises souvent sales.

Bolloré s'est servi d'Autolib' "pour se faire une image à l'international et améliorer sa technologie", accuse le président du groupe écologiste, David Belliard.

"A chaque fois, c'est pareil. On privatise les bénéfices et on fait payer le déficit aux collectivités", affirmé Danielle Simonnet, élue de La France insoumise, pour qui "après le fiasco Vélib', le fiasco Autolib'".

Le contrat pourrait-il être rompu ? Le SAVM "aura à réfléchir à ce sujet-là", estime l'adjoint aux Finances, Emmanuel Grégoire.

Cette affaire est une épine de plus dans le pied d'Anne Hidalgo, qui devrait être candidate à sa propre succession dans deux ans.

"Le marché de Noël, la grande roue, les panneaux Decaux... il y a des trous dans la caisse de tous les côtés", a ironisé Eric Azière (UDI-MoDem) en évoquant des marchés disparus.

"Le contribuable parisien sera-t-il mis à contribution pour régler l'addition d'une nouvelle faiblesse de la Ville ?", a demandé dans un communiqué Pierre-Yves Bournazel, député Agir et conseiller du groupe LR et indépendants de Paris.

La présidente de ce groupe, Florence Berthout, pour qui "il est urgent de mettre fin à +fiascolib'+", a demandé la publication de l'audit.

Le groupe Bolloré gère Autolib' jusqu'en 2023, dans le cadre d'une délégation de service public. Il a conçu les véhicules électriques Bluecar, vitrines de sa technologie de batteries, utilisés pour ce service pionnier de l'autopartage.

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