Année noire pour les sous-traitants de l'auto

SAM, Alvance, Benteler : les fermetures se multiplient chez les équipementiers automobiles, dans une industrie qui a enchaîné les délocalisations et doit affronter une transition majeure vers l'électrique.

- Liquidations et licenciements -

Des dizaines d'usines de pièces automobiles ont fermé en France ces dernières années, chez Goodyear, Continental, Michelin ou Bosch.

Dans l'Aveyron, les 340 métallos de la fonderie SAM occupent leur usine depuis mardi, après l'annonce de la liquidation de l'entreprise le 26 novembre.

Après avoir annoncé une fermeture pour la fin 2022, le sous-traitant allemand Benteler cherche de nouveau des repreneurs pour son usine de Migennes (Yonne), où 400 salariés découpent et usinent des métaux.

Mahle ne fabriquera plus des pièces de moteurs en Haute-Savoie, BorgWarner (Corrèze) a délocalisé en Hongrie, tandis que les salariés de Marelli (Yonne) s'interrogent sur l'avenir de leur usine de phares.

Selon le cabinet Trendeo, 2.865 emplois ont été supprimés chez les petits comme les grands sous-traitants depuis début 2021, soit l'année la plus dure depuis la crise de 2009.

"Tout se passe comme si les constructeurs avaient réduit leurs effectifs en 2020, alors que les sous-traitants continuent à souffrir en 2021", souligne Trendeo.

- Délocalisations -

Les constructeurs ont délocalisé en masse leurs chaînes de production au cours des dernières décennies, en Europe de l'Est, en Turquie, au Maroc ou en Chine, emmenant des équipementiers avec eux.

Selon la Plateforme automobile (PFA), qui représente les industriels du secteur, "l'écart de compétitivité" est de 500 euros entre la France et l'Europe de l'Est, pour la production d'un véhicule de gamme moyenne.

La France, troisième productrice européenne derrière l'Allemagne et l'Espagne, a produit près de 2,2 millions de véhicules en 2019.

Avec le Covid, la production a chuté à 1,3 million en 2020. Et les futurs volumes de vente sur le marché européen restent hautement imprévisibles.

- Une transition rapide -

Selon le ministre de l'Économie Bruno Le Maire, l'industrie automobile "est en train de basculer vers l'électrique à un rythme beaucoup plus rapide que prévu", pénalisant les équipementiers spécialisés dans les composants pour les moteurs thermiques, diesel en particulier.

La fabrication des véhicules électriques nécessitant moins de main-d'oeuvre que les thermiques, la transition énergétique pourrait faire perdre 65.000 emplois à la filière, selon la PFA. Elle estime à 17 milliards d'euros les investissements à localiser en France dans les cinq ans, avec un besoin de soutien public à 30%.

La Fédération française des équipementiers (FIEV) insiste de son côté sur l'urgence d'une "neutralité technologique" : au lieu de privilégier les voitures électriques, les gouvernements et la Commission européenne devraient laisser de l'espace aux hybrides, et du temps aux équipementiers pour s'adapter.

- Relocalisez ! -

Le gouvernement a multiplié les prises de contact avec les industriels et essaie de jouer les médiateurs dans les dossiers les plus explosifs. Un plan de relance automobile doté de huit milliards d'euros a été mis en oeuvre, abondé de deux milliards supplémentaires début octobre.

"Relocalisez les chaînes de valeur de vos produits en France", a lancé M. Le Maire aux industriels fin octobre. "Là où il y a une forte valeur ajoutée, il doit y avoir des emplois maintenus en France". Le ministre a promis que le gouvernement continuerait "dans la voie des baisses d'impôts, de la simplification, et du soutien aux investissements".

Quoi que décident les constructeurs, leurs relations avec les sous-traitants sont "souvent marquées par le court terme et par des demandes de baisse de prix difficilement supportables", selon la ministre de l'Industrie Agnès Pannier-Runacher.

Renault s'est engagé à garder une partie de sa production de véhicules électriques en France, notamment dans son "Electricity" du Nord. Le Losange, tout comme Stellantis, construit actuellement des usines de batteries dans l'Hexagone. Mais elles ne sauveront pas l'industrie avec leurs 6.000 emplois.

"Il y a tout un discours sur l'électrification, qui consiste à dire qu'il y a un coup à jouer pour relocaliser", souligne Tommaso Pardi, sociologue et directeur du groupe d'études sur l'industrie et les salariés de l'automobile (Gerpisa). "Mais pour l'instant on ne voit pas grand-chose (...) Seuls les équipementiers qui réussiront leur montée en gamme et leur électrification risquent de survivre".

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