Allemagne: plan de relance auto en ballotage

La coalition gouvernementale allemande négocie depuis mardi un nouveau plan de plusieurs dizaines de milliards d'euros pour relancer l'économie, mais doit surmonter ses divergences sur plusieurs points, dont une prime à l'achat pour soutenir l'automobile.

Lors d'une réunion qui a débuté à 12H00 GMT et se poursuivra mercredi, les conservateurs d'Angela Merkel plaideront pour baisser les taxes et soutenir les entreprises, tandis que leurs partenaires sociaux-démocrates devraient réclamer des aides financières pour les familles et les municipalités.

"La réunion s'achèvera en fin de soirée et continuera mercredi après-midi", a tweeté Hero Warrings, porte-parole du parti CDU.

Au total, quelque 80 milliards d'euros devraient être débloqués, selon la presse allemande. Ils s'ajouteront à l'énorme plan de plus de 1.000 milliards d'euros mis en place en mars, au plus fort de la pandémie, prévoyant des aides aux entreprises et des milliards d'euros de prêts garantis.

Le point le plus contesté reste une éventuelle subvention de nouvelles voitures, pour soutenir le fleuron industriel du pays: à quelle hauteur ? Doit-elle être limitée aux véhicules électriques ?

 

Emplois ou climat

Ce ne serait pas la première fois que l'Allemagne veut aider son économie via l'automobile, dont dépendent 800.000 emplois: lors de la crise de 2009, elle avait rapidement mis en place une prime.

Mais depuis, l'automobile allemande, minée par le scandale des moteurs truqués et critiquée pour son virage tardif vers l'électrique, a perdu en influence face au poids croissant des préoccupations environnementales et climatiques.

Lundi, quelque 2.000 manifestants selon les organisateurs ont formé une longue chaîne humaine entre la chancellerie et le siège de la fédération des constructeurs allemands, le puissant lobby automobile VDA. L'organisation de défense du climat Fridays for Future a également appelé à une soixantaine de rassemblements dans le pays.

"Nous demandons un plan de relance conjoncturel qui renforce la société de demain", a tweeté Luisa Neubauer, cheffe de file allemande du jeune mouvement.

"Si le gouvernement ignore ce signe clair de la population, elle montre qu'elle n'agit que dans l'intérêt des grands groupes et du lobby de l'auto", a déclaré le groupe "Sand im Getriebe", qui a organisé en septembre dernier le blocus du salon de l'automobile à Francfort.

Les responsables des régions où les constructeurs sont les plus présents ne cessent pourtant de demander ces primes, à plus forte raison depuis la présentation d'un programme français de 8 milliards d'euros, visant également à soutenir la transition vers la mobilité "verte".

"Il n'est pas possible que la France dépense huit milliards d'euros" et l'Allemagne "rien" pour l'auto, "coeur de notre économie", a dénoncé dans une interview au journal +Welt+ Markus Söder, chef du gouvernement bavarois, où BMW et de nombreux équipementiers ont leur sièges.

 

Chèque pour les familles ?

Le chef de file du groupe conservateur au Parlement, Ralph Brinkhaus, s'est lui dit sceptique tandis que le parti social-démocrate SPD, membre de la coalition au pouvoir, s'oppose surtout à des subventions pour des voitures essence ou diesel jugées essentielles par le secteur.

Selon la VDA, même les récentes voitures à moteur thermique feront baisser les émissions et la part de l'électrique n'est pas assez grande pour qu'une stimulation soit efficace, fait valoir sa présidente, Hildegard Müller.

L'institut économique Ifo note que des primes à la casse n'entraînent en général pas de ventes supplémentaires: les achats se font simplement plus tôt que prévu. Et l'argent mis dans une nouvelle voiture manque rapidement aux autres branches, créant un "effet secondaire involontaire" négatif.

Parmi les autres mesures envisagées, les conservateurs restent réticents aux aides directes de 300 euros pour les familles proposées par le SPD; ils préfèrent des baisses de taxes pour les entreprises et plus d'investissements dans le numérique et l'innovation.

Le ministre social-démocrate des Finances Olaf Scholz a pour sa part remis sur la table son projet -- d'avant la pandémie -- de soutenir les communes en transférant une grande partie de leur dette à l'Etat fédéral.

Une seule mesure fait pour l'heure l'unanimité: la baisse d'impôts pour les particuliers, une option étant d'anticiper l'abolition déjà prévue du "soli", soit la surtaxe introduite pour payer le coût de la réunification de 1990.

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