Allemagne : e débat sur les VE redémarre

En plein scandale des moteurs diesel truqués de Volkswagen, le gouvernement allemand est sous pression pour faire preuve de plus de volontarisme afin que l'"électromobilité" cesse d'être un voeu pieux.

La première salve est venue de haut. "Le diesel a un avenir, mais seulement à condition que l'industrie (automobile) puisse prouver qu'elle saura le rendre vraiment propre", vitupérait la semaine dernière la ministre de l'Environnement, Barbara Hendricks.

"L'amère ironie" du scandale des moteurs truqués de Volkswagen, "c'est qu'avec les énormes pénalités que devra payer le groupe, un programme d'introduction de millions de véhicules électriques sur le marché aurait pu être financé", a persiflé la ministre.

Berlin a subventionné la recherche dans la voiture électrique à hauteur de 1,5 milliard d'euros au cours des six dernières années, a rappelé Mme Hendricks, qui promet de plancher sur une série de mesures, notamment des incitations fiscales et des subventions à l'achat.

Son collègue à l'Economie, Sigmar Gabriel, lui a emboîté le pas en se déclarant "tout à fait pour" des incitations financières, sans se prononcer sur leur forme, et a suggéré d'introduire des quotas de voitures électriques dans le parc automobile des administrations publiques afin de "créer de la demande".

Des idées accueillies avec enthousiasme par la fédération des fabricants de véhicules étrangers (VDIK), qui préconise une prime à l'achat "d'au moins 5.000 euros" par véhicule électrique "pendant une période de transition" aux contours encore flous.

 

Serpent de mer

Le gouvernement allemand a formulé dès 2009, et réitéré au printemps dernier, son objectif de faire rouler un million de voitures électriques d'ici à 2020. Mais à mi-parcours, le débat a pris des allures de serpent de mer et les résultats concrets sont loin d'être au rendez-vous. En septembre 2015, à peine 19.000 véhicules électriques étaient en circulation en Allemagne.

Cet objectif gouvernemental est "tout simplement irréalisable", explique à l'AFP le professeur Stefan Bratzel, directeur du Center of Automotive Researche de Bergisch Gladbach, qui dénonce "beaucoup d'euphorie, mais pas de vision d'un véritable modèle économique" pour la voiture électrique en Allemagne.

Le scandale Volkswagen est l'occasion rêvée pour relancer l'électromobilité, mais pour cela "une véritable action concertée entre les constructeurs, les fournisseurs et les autorités est nécessaire", poursuit M. Bratzel, qui souligne le risque d'un illusoire "feu de paille" provoqué par les primes à l'achat. Les facteurs déterminants du succès des véhicules électriques sont "l'autonomie des batteries, l'infrastructure et le prix", martèle le spécialiste.

En plus de leur efficacité, le financement d'éventuelles aides publiques est contesté. Les Verts (opposition) réclament une "remise à plat de l'imposition sur les véhicules", qui taxerait plus lourdement les grosses cylindrées "hyper-motorisées et extrêmement polluantes". Mais le gouvernement semble peu disposé à s'engager dans cette voie.

Berlin a préféré annoncer dès le 26 septembre, une semaine après le début du "dieselgate", la construction de 400 bornes de recharge sur les aires d'autoroutes d'ici à 2017 et une série de "privilèges pour les e-voitures sur la voie publique", notamment leur accès aux voies de bus et la gratuité du stationnement urbain, garanti grâce à de nouvelles plaques d'immatriculation spécifiques.

 

Encombrer les voies de bus

Mais au bout du compte, ce sont les municipalités qui auront le dernier mot sur ces mesures, et "les communautés urbaines n'ont aucun intérêt à encombrer les voies de bus avec des véhicules particuliers, fussent-ils électriques", analyse M. Bratzel.

Alors que le temps passe et que l'électromobilité reste au stade de l'utopie, les militants écologistes perdent patience. "Chaque année, l'Allemagne gaspille 7 milliards d'euros en privilèges" pour le diesel, une technologie "polluante", fustige Daniel Moser, responsable de Greenpeace Allemagne pour les questions de transports.

Mais pour l'organisation de défense de l'environnement, il serait peu judicieux de se contenter de reporter ces aides sur les voitures électriques. C'est tout un système de transport urbain écologique qui doit être soutenu, des tramways aux vélos en passant par les autobus électriques, et pas "davantage de voitures électriques individuelles dans les villes" conclut Greenpeace.

jmh/mtr/jr

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