Affaire Ghosn: l'enquête sur Rachida Dati confirmée

Des juges financiers parisiens ont repris l'enquête sur de possibles dépenses indues engagées par l'ancien patron de Renault-Nissan Carlos Ghosn, portant sur des prestations de conseil confiées à l'ex-ministre de la Justice Rachida Dati et au criminologue Alain Bauer.

Pour examiner ces soupçons, qui constituent un des volets français de l'affaire Ghosn, une information judiciaire a été ouverte l'été dernier pour "abus de biens sociaux" et "corruption active et passive", ont indiqué à l'AFP des sources concordantes, confirmant une information de L'Express.

L'enquête, confiée à trois juges d'instruction, concerne des contrats conclus par la filiale néerlandaise de l'alliance Renault-Nissan, RNBV, avec l'actuelle maire du VIIe arrondissement de Paris Rachida Dati et le spécialiste de sécurité Alain Bauer, lorsque Carlos Ghosn était encore PDG du groupe automobile.

Selon une source proche du dossier, l'ancienne Garde des Sceaux -- qui nie toute irrégularité -- aurait touché 900.000 euros d'honoraires en tant qu'avocate entre 2010 et 2012. Alain Bauer aurait quant à lui touché un million d'euros entre 2012 et 2016 pour des activités de consultant.

Une enquête préliminaire avait été ouverte fin mai dans cette affaire par le parquet national financier (PNF), après une plainte déposée le 17 avril par une actionnaire de Renault. Cette plainte visait Rachida Dati, Alain Bauer, mais aussi Carlos Ghosn et son épouse.

L'avocat de la plaignante, Me Jean-Paul Baduel, avait alors fait état de "soupçons" sur "l'usage inconsidéré des fonds de Renault" par son ancien PDG. "Les contrats sont douteux de par leurs montants, effectués au profit d'une filiale n'ayant aucune salarié", avait-il assuré.

Entendu en septembre par les juges d'instruction parisiens, Me Baduel a maintenu ses accusations, en s'appuyant sur les résultats de l'enquête -- aujourd'hui close -- réalisée dans le cadre de la fausse affaire d'espionnage chez Renault, auxquels il a eu accès en tant qu'avocat de l'un des mis en cause.

Dans le cadre de l'enquête sur la fausse affaire d'espionnage, de vastes perquisitions avaient été menées chez Renault, et notamment dans le bureau de Carlos Ghosn, fin 2011. Or selon une source proche du dossier, aucun élément attestant d'un quelconque travail de Rachida Dati n'a été retrouvé par les enquêteurs lors de l'opération.

 

"Tentative de déstabilisation"

Dans un communiqué transmis à l'AFP, les avocats de Rachida Dati, Mes Olivier Pardo et Hervé Lehman, ont dénoncé mercredi un "amalgame scandaleux" et une "tentative de déstabilisation", en rappelant que Rachida Dati -- candidate à la mairie de Paris -- était "totalement étrangère" à la perquisition menée en 2011.

"Rachida Dati n'est en rien dupe de toutes les manoeuvres qui sont en train de se faire jour. Elle en a connu plus d'une dans sa carrière et elle a toujours su les réduire à néant", assurent les avocats, qui précisent que l'élue LR n'a été "ni convoquée ni entendue" par les juges d'instruction.

L'ancienne Garde des Sceaux avait annoncé début juin une plainte pour diffamation contre l'actionnaire de Renault à l'origine de la dénonciation. "La direction de Renault et de l'Alliance avaient une connaissance parfaite de sa mission d'avocat dès 2010. Rien n'a été caché", avaient alors assuré ses avocats.

Les noms de Rachida Dati et d'Alain Bauer ont été cités dans un audit du cabinet Mazars, mené à la demande de Renault et Nissan afin d'examiner les dépenses litigieuses de RNBV, qui font l'objet d'une autre enquête judiciaire du parquet de Nanterre.

Ce rapport, dont les conclusions ont été transmises le 12 juillet à la justice, a identifié 11 millions d'euros de dépenses suspectes.

Filiale à 50-50 entre Renault et Nissan, RNBV était la structure créée par Carlos Ghosn pour incarner l'alliance des deux constructeurs au niveau opérationnel. Les enquêteurs soupçonnent cette structure d'avoir masqué des dépenses litigieuses au profit de M. Ghosn, notamment son mariage à Versailles en 2016.

Arrêté en novembre à Tokyo à l'issue d'une enquête interne de Nissan, Carlos Ghosn fait l'objet de quatre inculpations par la justice japonaise, notamment pour abus de confiance et détournements de fonds. Désormais assigné à résidence au Japon, il est dans l'attente de son procès prévu l'an prochain

vab/bl/tib/sd

© 2019AFP