80 km/h: cinglante lettre ouverte à Emmanuel Barbe

Le professeur Rémy Prud'homme, rapporteur du Comité indépendant d'évaluation des 80 km/h, a demandé au CIE de transmettrecopie de la lettre ouverte qu'il a adressée au Délégué interministériel à la Sécurité routière, en réponse aux propos qui l'ont mis en cause publiquement les 20 et 22 septembre.

Voir la lettre ouverte téléchargeable ci-dessous.

Le Pr Prud'homme, dont la réputation scientifique en France et au-delà de nos frontières n'est plus à prouver, y relève non sans malice que la plupart des chiffres et méthodes sur lesquels se fonde son récent rapport d'évaluation des 80 km/h - méthodes et chiffres que dénonce vivement le délégué - proviennent des publications officielles du Commissariat général au développement durable(1) et de la DSR elle-même.

Certes, il est aisé de comprendre l'embarras des autorités responsables des 80 km/h qui ont multiplié avant même l'échéance des deux années fixées pour l'expérimentation, des bilans aux présentations controversées.

Et cet embarras est sans doute aggravé par les derniers résultats excessivement préoccupants de l'accidentalité : la DSR a dénombré en France 44 morts de plus en juillet-août 2019 par rapport à 2018.

Toute vie est infiniment précieuse et pour les membres du Comité(2), chaque tué supplémentaire constitue un grave échec collectif, singulièrement depuis l'abaissement de la vitesse à 80 km/h. Ce constat fait obligation au CIE d'examiner avec rigueur les circonstances et les causes objectives des accidents les plus graves en disposant des informations nécessaires, non communiqués à ce jour et qu'il sollicite donc à nouveau des pouvoirs publics.

C'est dans un esprit de responsabilité que le CIE se garde quant à lui de toute critique personnelle. Le Président de la République a fermement invité tous les responsables publics, à l'occasion du Grand Débat consécutif à la hausse des taxes sur les carburants et à la limitation de la vitesse à 80 km/h, à écouter les citoyens - et non les dénigrer : cela implique le respect des opinions qui pourraient différer des thèses officielles et bien sûr de faire montre de courtoisie et proscrire l'insulte. Dans un domaine où se mêlent idéologie, science et politique, la parole publique se doit d'être mesurée, exemplaire pour demeurer crédible.

Les faits rapportés dans sa lettre ouverte par le Professeur Prud'homme font craindre que certains ne s'exonèrent de ces principes en mobilisant de surcroît le statut et les moyens publics - au mépris de ceux de nos concitoyens qui font œuvre désintéressée en mettant bénévolement, à l'instar des personnalités membres du CIE, leur temps, leurs compétences et leur expérience au service de la sécurité sur nos routes -, au seul motif que leurs conclusions pourraient différer de celles de tel ou tel service.

Se Refusant à la polémique et invitant au respect mutuel, le CIE reste pleinement ouvert au dialogue avec les pouvoirs publics nationaux et territoriaux. Il conduira sa tâche en toute sérénité jusqu'à l'échéance de juin 2020 qu'a lui-même fixée le Président de la République pour apprécier objectivement le bilan et l'efficacité de la mesure et décider alors s'il convient de la maintenir ou de la rapporter.

Vous remerciant de toute l'attention que vous portez à la lettre jointe, je vous prie de recevoir, Madame, Monsieur, l'expression de ma considération la meilleure.

Jean-Luc MICHAUD

Président du CIE

 

Note explicative

(1) Rapport CGDD Analyse économique coûts-avantages publié en mars 2018. Les services de la DSR (ONISR) ont directement participé à ce travail.

(2) Rappelons que le Comité indépendant d'évaluation (CIE) a été constitué pour fournir, hors de toute allégeance publique ou privée, politique ou financière, des éléments d'appréciation quantitatifs et qualitatifs concernant l'application de la mesure des 80 km/h et son efficacité. Il s'est, par sa charte, engagé à traiter de façon objective et transparente les éléments recueillis. Sa tâche est d'une durée limitée.

Il se compose de douze personnalités éminentes issues pour moitié de responsables du monde associatif œuvrant en faveur de la circulation et de la sécurité routières et pour moitié de grands experts de l'automobile, de la circulation et de l'évaluation. Toutes interviennent à un haut niveau de compétence et de responsabilité et sont engagées à titre strictement bénévole dans cette démarche citoyenne.

Il s'agit :

-   Pour les premiers, des responsables de trois grandes associations nationales d'automobilistes et de motocyclistes - le Président de l'Union nationale des Automobiles Clubs, « 40 millions d'automobilistes », la Fédération française des Motards et Colère-, et de trois associations de terrain œuvrant à la défense des victimes de la route, à la lutte contre l'alcool au volant, ainsi qu'à la défense et la promotion du vélo.

-   Pour les seconds, d'un célèbre champion automobile, pédagogue de la conduite responsable, du Président d'honneur de l'association de la presse automobile, du Président de l'association des avocats en droit routier et de sa collègue, de l'un des meilleurs universitaires français spécialiste de l'économie des transports et de la circulation, à la notoriété internationale, enfin d'un ancien haut fonctionnaire du ministère de l'aménagement, des transports et du développement durable, qui a longtemps exercé des fonctions d'inspection générale et de contrôle.