UberPop: pratique commerciale trompeuse?

La justice dira lundi si UberPop, un service du géant américain Uber désormais interdit en France, qui proposait comme du covoiturage une offre payante de transport de particuliers, relève d'une "pratique commerciale trompeuse".

Lors du procès en appel contre la filiale française d'Uber, en octobre à Paris, une peine de 200.000 euros a été requise, exactement deux fois plus que la peine prononcée en première instance un an auparavant.

En France comme en Allemagne puis en Belgique ou aux Pays-Bas, la société californienne Uber, dont la principale activité reste les voitures de transport avec chauffeurs (VTC), a dû renoncer à son application la plus populaire, lancée en février 2014. La France était alors le premier marché hors Etats-Unis à voir naître ce service.

UberPop, un service permettant à des particuliers de s'improviser chauffeurs de taxi dans leurs propres voitures, sans formation particulière ni licence, a été suspendu en juillet dernier après un bras de fer avec le gouvernement français, dans un contexte de répression marqué par des saisies de véhicules et des gardes à vue.

Le Conseil constitutionnel avait confirmé son interdiction le 22 septembre, en rejetant définitivement les arguments de l'entreprise sur "la liberté d'expression".

La décision des Sages n'avait pas pour autant éteint les procédures judiciaires en cours: un mois plus tard se tenait le procès en appel d'Uber France.

Dans ses réquisitions, le 19 octobre, l'avocate générale Elisabeth Honorat avait estimé que l'entreprise devait être reconnue coupable des trois chefs de poursuites pour lesquels elle était jugée, alors que le tribunal n'en avait retenu qu'un dans sa condamnation en première instance.

- "Pratiques de Wall Street" -

Ce premier chef portait sur la communication d'UberPop qui, pour l'accusation, avait présenté sa pratique commerciale, consistant à proposer à des particuliers d'être transportés par d'autres particuliers non professionnels, "comme licite alors qu'elle ne l'était pas". "Le covoiturage n'est pas une pratique à but lucratif", a-t-elle rappelé.

Les deux autres chefs, non retenus en première instance, portaient également sur la tromperie de la communication, mais cette fois sur les conditions d'assurance des chauffeurs et des personnes transportées.

"Les contrats d'UberPop incitaient les chauffeurs à prendre une extension de leur assurance alors que les chauffeurs professionnels doivent contracter des assurances spécifiques", avait souligné l'avocate générale, selon laquelle les particuliers auraient été responsables en cas d'accident sur leurs propres deniers.

L'avocat d'Uber France, Me Hugues Calvet, avait réclamé la relaxe de son client: "Aucun texte législatif ne permet d'affirmer qu'UberPop était illicite à l'époque des faits", a-t-il plaidé.

A l'audience, l'Union nationale des taxis (UNT), la chambre syndicale des loueurs d'automobiles (CSLA) et le syndicat des taxis 78 (ST 78), parties civiles, avaient réclamé la confirmation ou une aggravation de la condamnation de première instance.

"Le partage proposé par Uber, c'est celui du renard dans le poulailler, c'est la petite maison dans la prairie avec des pratiques de Wall Street", avait notamment ironisé Jean-Paul Levy, avocat de l'UNT, raillant le principe de "l'économie collaborative" vantée par le géant américain.

© 2015AFP