Uber plaide devant le Conseil Constitutionnel

L'interdiction des applications mobiles comme UberPOP, qui mettent en relation des clients avec des chauffeurs non professionnels, doit-elle être étendue au covoiturage ? Le Conseil constitutionnel, saisi par Uber, s'est penché mardi sur cette question.

"L'ensemble du secteur du partage dans le domaine automobile tombe sous le coup de cette disposition", a affirmé devant le Conseil, Me Hugues Calvet, avocat d'Uber, entreprise qui présente son service UberPOP comme du covoiturage urbain, ce que contestent vigoureusement les taxis et VTC.

Dans le viseur du géant américain, l'article 3124-13 de la loi Thévenoud du 1er octobre 2014, qui prévoit que "le fait d'organiser un système de mise en relation de clients avec des personnes qui se livrent" au transport de passagers à titre onéreux sans être des entreprises de transport, des taxis ou des VTC, est puni de deux ans d'emprisonnement et de 300.000 euros d'amende.

Une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) avait été transmise aux Sages par la Cour de cassation le 23 juin, à la demande d'Uber. Elle découle d'une procédure initiée en 2014 devant le tribunal de commerce.

Uber, qui demande la censure et l'annulation de cet article, estime qu'il constitue "une atteinte à la liberté d'entreprendre".

En face, les anciens ennemis, taxis et VTC, mènent front commun.

Pour Me Françoise Thouin-Palat, avocate de l'Union nationale des taxis, UberPOP est "du taxi illégal, et Uber continue manifestement sa course effrénée, ne veut pas le reconnaître. Le covoiturage n'a rien à voir là-dedans (...), ce n'est pas un système lucratif".

Le principe du covoiturage est de permettre à un conducteur de partager les frais de transports avec un ou plusieurs de ses passagers.

Face au Conseil, Me Thouin-Palat a aussi mis mis en avant la "protection des usagers qui, à portée de clic, sont transportés dans des conditions illégales, et donc dangereuses".

L'avocat de trois sociétés de VTC, Me Maxime de Guillenchmidt, a estimé lui aussi qu'il n'y a "pas de liberté d'entreprendre dans quelque chose qui est illégal".

Le représentant du gouvernement au Conseil constitutionnel, Xavier Pottier, qui a demandé au Conseil constitutionnel de déclarer cet article conforme à la Constitution, a souligné que les critiques formulées par Uber "sont infondées", et a précisé que le covoiturage n'est pas concerné par ces dispositions, car soumis "à une réglementation particulière".

Le Conseil constitutionnel rendra sa décision le 23 septembre.

Le 25 juin, la préfecture de police de Paris a pris un arrêté d'interdiction des applications UberPOP, Djump et Heetch, qui mettent en relation des particuliers, via une application mobile, avec des conducteurs non professionnels.

Seules les deux premières ont cessé leur activité, la troisième a été assignée en référé lundi par un chauffeur de VTC.

Le Conseil constitutionnel a déjà examiné en mai trois QPC relatives à Uber. Il a accordé une victoire à la société en invalidant l'article du code des transports qui réservait aux seuls taxis la tarification à la durée et à la distance, mais a jugé conforme à la Constitution l'interdiction de la géolocalisation des véhicules avant réservation et l'obligation faite aux VTC de revenir sur leur lieu de stationnement habituel entre deux courses.

La nouvelle décision des Sages pourrait peser lors de la comparution le 30 septembre en correctionnelle de deux dirigeants d'Uber France, notamment pour pratique commerciale trompeuse et complicité d'exercice illégal de la profession de taxi.

© 2015AFP