Les autocaristes à l'assaut de Toulouse

Avec quelque 110.000 étudiants, Toulouse, métropole proche de la frontière espagnole mais à cinq heures et demie de Paris en train, aiguise les appétits des autocaristes depuis la libéralisation du marché cet été sur les trajets de plus de 100 km.

"Toulouse a vocation à être l'un des hubs principaux de Flixbus, pas simplement en France, mais aussi en Europe", déclare à l'AFP Pierre Gourdain, directeur général France de l'entreprise allemande, qui prévoit de lancer neuf lignes desservant Toulouse.

"Elle a l'avantage d'être extrêmement dynamique économiquement et démographiquement, et d'être très mal connectée", ajoute-t-il, comparant Toulouse à Fribourg, en Allemagne, devenue l'"une des premières villes du réseau" allemand avec plus de 60 départs par jour.

Ses concurrents n'ont d'ailleurs pas attendu l'entrée en vigueur de la loi Macron pour s'implanter dans la ville rose.

Début mars, la société britannique Megabus a lancé sa première ligne domestique en cabotage entre Paris et Toulouse, au tarif d'appel d'un euro.

Starshipper, qui réunit des autocaristes indépendants, a inauguré le 30 avril une liaison vers le Pays Basque, qui a été utilisée par "plus de 6.100 passagers" et connaît un taux de remplissage de 38%, ratio jugé "très intéressant" par Joël Arcondéguy, responsable régional.

"C'est une ville importante, et l'une des rares qui possède une gare routière digne de ce nom", fait-il remarquer. Alors que les infrastructures restent le premier frein au développement du transport par autocar, la gare routière de Toulouse, quoique modeste, est située en plein centre-ville, et enregistre déjà une centaine de départs internationaux par semaine.

Tous les facteurs de succès

Toulouse est "la première destination en termes de réservation", une semaine après le lancement de la nouvelle offre "Ouibus" de la SNCF, souligne Roland de Barbentane, directeur général. La filiale publique va mettre en route quatre lignes d'ici décembre vers Marseille ou Limoges notamment.

"On a tous les facteurs de succès", estime Sonia Arhainx, directrice de projet chez Isilines, qui a commencé à desservir la ville en juillet. "L'idée, c'est de développer les interconnexions, vers le sud, l'Espagne et le Portugal", selon elle.

Quatre heures pour aller à Lyon ou Marseille, 8 heures pour Rennes ou Strasbourg, les temps de transport en train au départ de Toulouse sont relativement longs, et les autocaristes pensent pouvoir attirer les automobilistes, alors que l'avion, utilisé par quelque 600.000 passagers par mois, reste un moyen de transport dispendieux.

"C'est le paradoxe de la région", estime Frédéric Domenge, délégué régional de l'Organisation des transporteurs routiers européens (OTRE). "C'est celle qui a le plus investi sur la rénovation de ses réseaux ferroviaires régionaux", mais "nationalement, la 4e métropole de France est relativement isolée".

Demande induite

Si les transporteurs parlent de centaines d'emplois et de dizaines de milliers de touristes supplémentaires, les acteurs locaux restent prudents sur les retombées économiques.

"Je ne pense pas que l'on puisse parler d'impact économique de la mise en service des autocars sur l'économie régionale", relativise ainsi le président socialiste du Conseil régional, Martin Malvy, qui y voit cependant une "bonne nouvelle pour les usagers."

Le "principal problème" de Toulouse, dit-il à l'AFP, est son absence du réseau des lignes ferroviaires à grand vitesse (LGV).

Le gouvernement devait rendre cet été sa décision sur la très contestée ligne à grande vitesse (LGV) au sud de Bordeaux, qui pourrait entrer en vigueur en 2024 et placer la ville à 3h10 de Paris.

"Ça ne va pas être une révolution, mais un service complémentaire", estime aussi la vice-présidente PRG chargée des transports du Conseil général, Line Malric, qui voit plutôt les autocars "concurrencer le covoiturage".

"La grande question, et là c'est extrêmement difficile à évaluer, c'est la demande induite: est-ce que la mise en place d'un nouveau service va faire que les gens qui ne voyageaient pas vont voyager", s'interroge Marc Ivaldi, professeur à l'Ecole d'économie de Toulouse.

Émettant des doutes sur une création massive d'emplois, M. Ivaldi pense que ce marché "va donner du pouvoir d'achat à un certain nombre de gens, étudiants et seniors notamment, et surtout créer de la concurrence avec la SNCF".

En ce qui concerne l'emploi local, "il n'y aura pas de conséquence positive", balaye aussi Bernard Baranowski, responsable de la section transport de la CGT, convaincu que le marché profitera aux chauffeurs étrangers.

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