Le juteux business des aires d'autoroutes

Jadis limitées aux seules stations-service, les aires d'autoroutes sont en pleine transformation, multipliant services et commerces pour faire en sorte que le client reste (et consomme) plus longtemps.

"Il y a 20 ans, les aires servaient essentiellement pour le ravitaillement du carburant car un plein faisait 400 kilomètres. Aujourd'hui, avec un plein on tient 1.000 kilomètres donc il faut reconfigurer les aires pour que le client s'arrête", argumente Hervé Adam, directeur du pôle commerce chez Vinci Autoroutes.

Pour Vinci, qui exploite la plupart des autoroutes du Sud et de l'Ouest de la France, c'est d'abord une question de sécurité routière. Il y a aussi, bien évidemment, une arrière-pensée économique puisque ses 172 aires rapportent tout de même 500 millions d'euros de chiffre d'affaires (hors carburant) et vendent un milliard de litres d'essence par an.

Mais avec des restaurants ringards et des stations-service peu accueillantes, les aires avaient grandement besoin d'un coup de jeune, quand les grandes gares ou les aéroports sont déjà devenus de vrais temples de la consommation.

Depuis cinq ans, Vinci les renouvelle donc une à une avec deux objectifs: réunir en un seul lieu les parties essence et restauration, et développer les enseignes connues pour que le client se sente comme en ville, explique Hervé Adam.

- Même Darty -

Sur l'A7, dans la vallée du Rhône, haut lieu de passage des vacanciers - et de bouchons - été comme hiver, les aires sont des vitrines de cette nouvelle stratégie. A Saint-Rambert d'Albon, entre Lyon et Valence, il vient de se construire un "food court", avec vue sur un étang verdoyant et célèbres enseignes (Subway, Paul, Hippopotamus, Monop'Daily).

Un peu plus au sud, à Pont-d'Isère, le concept va encore plus loin. Dans un bâtiment très moderne construit fin 2013 cohabitent un McDonald's nouvelle génération et une station Total aux allures de centre commercial avec ses "corners" Fnac, Grande Récré et Darty.

On vend désormais sur l'autoroute, outre des romans de plage et le top 10 des derniers CD et DVD, une sélection de jouets à la mode, des chargeurs, casques ou autres sèche-cheveux et tondeuses.

En moins de trois ans, Darty s'est déjà positionné dans 27 stations en partenariat avec Total. Il envisage de se déployer sur l'ensemble des stations d'autoroute du géant pétrolier d'ici fin 2016 et, pourquoi pas, dans son réseau hors autoroutes, annonce Pascal Defaux, directeur de Darty Pro.

Car aujourd'hui "les produits multimédia comme le chargeur allume-cigare sont devenus indispensables" quand on fait des centaines de kilomètres, ajoute-t-il.

- 8.000 repas servis en 24h ! -

Une aubaine, aussi, pour les enseignes de restauration comme McDonald's. Vendredi, veille du grand week-end de chassé-croisé de l'été, c'est la plus grosse journée pour le "McDo" de l'aire de Pont-d'Isère: "on va nourrir plus de 8.000 personnes ce jour-là", raconte son directeur, Yohann Grange.

Depuis que l'essence et la restauration ont été regroupées, les ventes ont, comme prévu, augmenté. Et "on travaille toute la journée, on vend par exemple plus de cafés et de petits-déjeuners" qu'un "McDo" en ville, poursuit le responsable.

Au niveau des prix, Hervé Adam insiste: "on demande à nos opérateurs de travailler sur la modération car ce qui est intéressant aujourd'hui, c'est le volume".

Ainsi, au McDonald's de Pont-d'Isère, le menu est seulement 10 à 20 centimes plus cher qu'hors autoroute. Dans la boutique de la station Total, la petite bouteille d'eau est à 75 centimes et la canette à 1,10 euro, largement en-dessous des prix pratiqués dans les gares ou aéroports.

Les prix restent toutefois plus élevés qu'en ville car les commerçants reversent des redevances à Vinci, sorte de loyer ponctionné sur leurs volumes de vente (dont 1,5 centime sur chaque litre d'essence). Une manne, mais bien moindre encore que celle des péages pour Vinci Autoroutes qui pèse près de cinq milliards de chiffre d'affaires...

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