Débat autour de la suppression des petites amendes

Supprimer les amendes pour les "petits" excès de vitesse? Une proposition de loi, déposée lundi, soulève l'adhésion d'automobilistes lassés de jouer les "tirelires" mais ne peut qu'aboutir à un "surenchérissement de la violence routière", selon le gouvernement.

Cette proposition de loi, présentée par le sénateur Les Républicains de la Vienne Alain Fouché, vise à ne plus sanctionner d'une amende les excès de vitesse inférieurs à 10 km/h, et de réserver à cette infraction un simple retrait de points.

"Ceux qui font ces propositions jouent avec la vie des autres", s'est agacé le délégué interministériel à la Sécurité routière, Emmanuel Barbe, sur RTL.

Pour lui, cela ne pourrait "qu'aboutir à un surenchérissement de la violence routière": "Il y aurait plus d'excès de vitesse, parce que ce serait moins réprimé", a-t-il estimé, accusant l'association "40 millions d'automobilistes", qui soutient la mesure, de jouer les "pompiers-pyromanes".

Réfutant le terme de "petits excès de vitesse", M. Barbe a expliqué qu'entre 50 et 56 km/h, "vous avez augmenté votre risque d'accident de 25%".

A l'heure actuelle, un excès de vitesse inférieur à 20 km/h dans une zone où la limitation est de plus de 50 km/h est soumis à une amende forfaitaire de 68 euros (minorée à 45 euros si payée dans les 15 jours) et au retrait d'un point sur le permis. Si la vitesse est limitée à 50 km/h ou moins, l'amende est de 135 euros (90 euros si payée dans les 15 jours).

Selon la proposition de loi, "le contrôle automatisé est devenu une véritable source de recettes pour l'Etat", avec en 2014 des recettes de 672 millions d'euros pour les "seules amendes forfaitaires" liées aux radars automatiques.

- 'Déni de réalité' -

Tout en soulignant que le développement des radars et la tolérance zéro ont démontré leur efficacité en termes de sécurité routière, le texte relève "une remise en cause par les usagers de ce système de contrôle-sanction automatisé, ressenti comme un moyen mis en place par l'Etat pour financer les dépenses publiques".

Le texte vise ainsi à obtenir l'adhésion des automobilistes "à l'idée que les radars ne sont pas seulement des +tirelires+, mais avant tout un véritable outil de sécurité routière".

Emmanuel Barbe a balayé cet argument, estimant que les radars rapportaient une somme "dérisoire" par rapport au coût total de l'insécurité routière (qui inclut les frais d'hospitalisation, le montant pour les assurances...) évalué en 2013 à 50 milliards d'euros.

Selon le délégué général de "40 millions d'automobilistes", Pierre Chasseray, "90 à 95% des excès de vitesse sont des excès de 0 à 20 km/h".

"A 10-15 km/h au-dessus de la limite, on peut dire que c'est un excès de vitesse volontaire. Tu joues, tu perds, tu payes. Entre 0 et 10 km/h, ça peut être quelqu'un qui se fait flasher en bas d'une descente ou se fait surprendre sur un changement de limitation de vitesse", relève-t-il.

"Dans 46% des accidents mortels, la vitesse maximale autorisée a été dépassée de moins de 20 km/h", rétorque la présidente de la Ligue contre la violence routière, Chantal Perrichon.

"C'est hallucinant de faire cette proposition dans le contexte actuel, avec le nombre de morts sur les routes qui augmente pour la deuxième année consécutive, ce qui n'est pas arrivé depuis 35 ans! Les porteurs de ce texte sont dans un déni de réalité et cherchent simplement un peu de notoriété", estime-t-elle.

Le gouvernement doit annoncer dans les prochains jours les chiffres de la mortalité routière pour 2015.

Après les 3.384 morts enregistrés l'an dernier -la première hausse enregistrée en douze ans (+3,5%)- "on en aura plus", a admis Emmanuel Barbe. Sur les onze premiers mois de l'année, ce nombre était en hausse de 2,1% par rapport à 2014 (3.164 tués).

© 2016AFP